• 03 Jul 2018

Vittel : Nestlé Watters peut-il poursuivre ses activités ?

Vittel : Nestlé Watters peut-il poursuivre ses activités ?
Une pétition ayant pour objectifs d’empêcher la Commission Locale de l’Eau d’apporter un avis positif à cette question mérite que des réponses soient faites aux arguments présentés par le collectif « EAU 88 ».

Alain PIERRE
Maire d’Uzemain
Président du Syndicat Intercommunal des Eaux des Monts Faucilles
Membre de la Commission Locale de l’Eau(CLE) s’exprime sur le sujet

Contexte de l’exploitation de la nappe des Grés du Trias Inférieur (GTI)

La nappe des grès du Trias inférieur est une des principales ressources en eau de la région. Dans les Vosges, la nappe est présente sur la partie Ouest du département. Elle présente un contexte hydrogéologique particulier, avec une eau de très bonne qualité mais une faible capacité de recharge et l’existence d’une faille (dite faille de Vittel) qui compartimente la nappe.
La création de forages s’est développée à partir des années 1960 ; notamment dans les secteurs de Vittel-Contrexéville afin d’accompagner le développement de l’exploitation des eaux minérales. L’exploitation s’est ensuite étendue vers les secteurs de Mirecourt, Bulgnéville et Martigny-les-Bains afin d’assurer l’alimentation en eau potable des populations.
La forte augmentation du nombre de forages des années 1960 aux années 1990 a entrainé des baisses importantes des niveaux d’eau de la nappe, notamment dans le bassin de Vittel-Contrexéville-Mirecourt.

De nombreuses personnes me demandent mon avis sur les débats occasionnés par les décisions prises par la CLE relatives à l’élaboration d’un Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux de la nappe des Grès du Trias Inférieur (dont les objectifs à l’échelle de son périmètre, sont de définir les règles d’usage permettant :
– d’équilibrer les volumes prélevés avec la recharge naturelle de la nappe des GTI et de stabiliser les niveaux piézométriques
– de pérenniser l’alimentation en eau potable des populations tout en répondant aux enjeux économiques du territoire).
Depuis 8 ans, membre de la CLE, j’ai participé aux réunions de travail, pris note de toutes les études qui ont été réalisées notamment celles relatives à la préservation de la ressource en eau et aux mesures qui doivent l’accompagner afin de me permettre de donner un avis aux propositions faites lors de la séance du 3 juillet 2018.
Les arguments listés dans la pétition diffusée par le collectif s’opposant aux décisions prises ne me paraissent pas suffisants pour les prendre en compte.

On lit ainsi dans la pétition

Pétition : »Face au déficit inquiétant de la nappe, la « solution » proposée par la CLE (Commission Locale de l’Eau) consiste à alimenter la collectivité avec une eau transférée par pipe-lines depuis les secteurs voisins »
Le terme pipeline bien qu’utilisé conformément à la définition du dictionnaire, est utilisé ici en analogie au transport du gaz ou des hydrocarbures… une sémantique qui suscite l’émotion des lecteurs qui n’ont pas une connaissance précise du fonctionnement des réseaux d’eau. L’eau potable, depuis des centaines d’années, est prélevée là où elle est disponible (les Romains savaient le faire). On n’a jamais pu se contenter de prélever l’eau dans le sous sol des utilisateurs.
Le maillage des réseaux est une solution courante qui consiste à relier les réseaux entre eux de façon à garantir un approvisionnement pérenne et de qualité quelque soient les problèmes localement rencontrés.
A titre d’exemple : Le réseau du Syndicat intercommunal des Eaux des Monts Faucilles compte 190 Kms de conduites.
Dès les années 70, l’eau de la source d’Uzemain alimentait une fromagerie située à Darney avec 17 Kms de conduite ( on peut aussi citer que l’eau prélevée actuellement à Gelvécourt et Valfroicourt par le SIE des Ableuvenettes est acheminée jusque Domjulien distant de 20 kms).
A l’époque personne, n’avait trouvé à redire…
Notre réseau desservant les 14 communes est maillé avec les réseaux des Ableuvenettes, de Harol, de Darney, de Belrupt et de l’Avière.
Il n’y a donc absolument pas lieu d’être choqué par un nouveau maillage des réseaux et un prélèvement là où la ressource est disponible.

Pétition : « Les coûts induits seront répercutés sur les factures d’eau. »
Nestlé Waters s’engage à assurer son concours au cofinancement de la solution technique retenue sans surcoût pour les usagers et d’autres financeurs.
(Je n’étais pas favorable à faire supporter un surcoût aux usagés. La CLE a permis cette avancée).

Pétition : »La décision sur ces transferts d’eau doit être votée par la CLE au Conseil Départemental des Vosges à Epinal le 3 juillet prochain.
La commission va donc décider seule de puiser dans les réserves d’autres territoires, sans études sérieuses préalables sur les conséquences environnementales. »
La CLE ne décide pas mais donne un avis sur une solution qui devra avant toute réalisation être mise en œuvre avec toutes les procédures nécessaires et en conformité avec la loi. La CLE ne peut rien imposer. Lors de sa séance du 3 juillet 2018, la CLE a validé 4 principes directeurs du SAGE qui serviront de base à la concertation publique préalable qui aura lieu en automne 2018 et permettront de démarrer la rédaction du SAGE :
Les études préalables réalisées notamment par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières ont débuté il y a 8 ans.
Il a été constaté des baisses importantes des niveaux d’eau de la nappe, notamment dans le bassin de Vittel-Contrexéville-Mirecourt (secteur sud ouest) où les prélèvements sont de 143 % du volume de recharge alors que des prélèvements dans le secteur sud est ne seraient que de 7 % du volume de recharge. Le projet final de prélèvement de ressources complémentaires sera mis en œuvre par un maître d’ouvrage local, qui devra faire les demandes d’autorisation et les études d’impact environnemental, comme pour tout autre projet. Des compléments sont à apporter dans une phase pré opérationnelle. Le choix de la CLE est une orientation donnée pour les solutions mais ne fige en rien le projet définitif.

Pétition : « La commission va donc décider seule de favoriser les bénéfices d’un groupe privé au détriment de l’intérêt général ! »
Il s’agirait de définir ce que représente l’intérêt général.
L’économie vosgienne ne peut en aucun cas se priver du maintien de ses ressources économiques et de ses emplois.
A noter que les deux industriels ( fromagerie l’Ermitage et Nestlé waters) sont les premiers employeurs de l’Ouest Vosgien avec plus de 1500 emplois directs et plus de 2000 emplois indirects. Alors que des collectivités locales tentent par tous les moyens de favoriser l’émergence de nouveaux projets économiques pour gagner seulement quelques emplois, le département des Vosges ne peut se permettre de perdre encore de telles ressources.
Pétition : « La commission locale de l’eau (CLE) préconise de construire un pipe-line pour aller chercher de l’eau jusqu’à 50 km de distance, ce qui couterait entre 15 et 30 millions d’euros sur vingt ans aux contribuables. »
Cette facture est volontairement exagérée : les montants des scénarios de substitution se situent entre 7 et 15 millions € pour l’investissement (entre 0,5 et 1 million de m3 de substitution)
La différence de 15 millions d’euros concerne les charges de fonctionnement (fonctionnement et amortissement).
La longueur du réseau ne serait pas de 50 Kms mais suivant les options choisies de 17 à 30 Kms pour les nouvelles conduites.
La CLE a proposé de partager les coûts entre tous les bénéficiaires directs et indirects ( ! pas que les contribuables car ils ne sont pas les seuls usagers de la nappe aujourd’hui). (le code de l’environnement permet de faire participer les personnes qui ont rendu les travaux nécessaires ou qui y trouvent un intérêt.

Pétition : « L’usage domestique ne représente que 22 % des prélèvements dans la nappe. »
A noter cependant que :
– L’usage domestique consacre seulement 2,5 % pour la boisson.
Le reste est utilisé pour l’arrosage, les lavages etc…
– On peut estimer que l’usage industriel en consacrerait 50 % pour la boisson

Pétition : « Les signataires s’opposent au projet de la CLE sur les transferts d’eau, projet qui favorise une entreprise privée au détriment de l’intérêt général, sans envisager d’autres solutions, sans connaître ni demander l’avis des citoyens. »
Après s’être prononcée sur les différents scénarios de substitution et sur les principes directeurs du SAGE, la CLE travaille maintenant à la concertation publique préalable et à l’émergence d’une gouvernance partagée pour la mise en œuvre des scénarios de substitution.

Quels sont les 4 principes votés par la CLE et qui ont reçu mon approbation ?

1. Atteindre en 2021 et maintenir l’équilibre de la nappe des GTI
• Atteindre l’équilibre pour le Secteur Sud-Ouest. Respecter le volume maximum prélevable de 2,1 million m3/an
• Maintenir l’équilibre sur le secteur Nord. Respecter le volume maximum prélevable de 1,6 million m3/an
• Maintenir le bon état de la nappe du secteur Sud Est
• Retrouver le niveau patrimonial de la nappe à plus long terme
2. Optimiser tous les usages par des mesures d’économie d’eau
• Une des premières priorités du SAGE est d’optimiser tous les usages de l’eau par économie d’eau, maîtrise de la consommation.
• Pour le secteur Nord qui est à l’équilibre et le secteur Sud-Ouest qui est déficitaire, cette priorité est un impératif immédiat.
3. Satisfaire tous les usages, en mobilisant des ressources complémentaires
• Afin de satisfaire tous les usages de l’eau, comme l’optimisation des usages de suffit pas à atteindre l’équilibre de la nappe en 2021, des réductions de prélèvement sont recherchées par la mise en service de nouveaux pôles de production ou de distribution venant se substituer aux prélèvements excédentaires. Il s’agit de substitution de ressource qui vise à satisfaire, à partir d’une ressource dont le bon état est garanti, les besoins en réduction des prélèvements dans le secteur de la nappe des GTI déficitaire (secteur Sud-Ouest), les besoins en sécurisation de l’alimentation en eau potable, ainsi que d’éventuels besoins nouveaux.
• En matière de substitution structurante de capacité de 0,5 à 1 million m3/an, la CLE retient deux ressources parmi les possibilités étudiées dans le schéma directeur des ressources en eau du SAGE GTI :
La nappe des GTI du secteur Sud Est
Les captages existants de la nappe des calcaires du Dogger à Removille et Attignéville
• Les projets structurants mobiliseront en premier la nappe des GTI du secteur Sud Est en raison de sa faible vulnérabilité, de sa faible variabilité en terme de qualité et de sa productivité, sans préjudice des ressources actuellement exploitées. Un complément pourrait être apporté par les captages existants de la nappe des calcaires du Dogger à Removille et Attignéville.
• La proposition est de retenir deux solutions de substitution les plus optimales, les deux scénarios 2 et 3 du schéma directeur des ressources en eau en laissant au maître d’ouvrage la possibilité d’activer ou pas toutes les options retenues dans ces deux scénarios.
4. Partager les coûts induits par les opérations de substitution de ressource de manière équitable
• Conformément à la loi sur l’eau, la CLE pose un principe de partage équitable des coûts des opérations de substitution de ressource. Les coûts concernés sont les suivants :
• Coûts d’investissement induits par les opérations de substitution de ressource
• Coûts de fonctionnement induits par les opérations de substitution de ressource
• Nestlé s’engage à assurer son concours au co financement de la solution technique retenue sans surcoût pour les usagers.
• D’autres co financeurs pourront être identifiés, comme l’Agence de l’eau, le Département, …

CONCLUSION

Les principaux arguments énoncés dans la pétition sont véritablement contestables en raison de l’exagération des chiffres, d’une sémantique qui consiste à provoquer de l’émotion et ne tient pas compte des propositions faites lors des séances de la CLE notamment relatives aux coûts et à la mise en place d’un dispositif de concertation. Il s’adresse à des personnes qui n’ont pas suffisamment d’informations techniques et qui ne sont pas partie prenante dans l’intérêt économique de leur propre territoire.
Les élus du département des Vosges qui se battent pour conserver et tenter de développer leur économie locale (loin d’être florissante) sont des personnes responsables qui s’attachent à promouvoir l’intérêt général et qui ne sauraient prendre en compte l’avis de personnes qui ne connaissent ni notre territoire, ni ses problématiques économiques, ni ses enjeux de développement qui risquent de subir les conséquences de l’impact médiatique défigurant l’image de Vittel et des Vosges terre de nature et d’eau.

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